La honte se cache dans les détails:
- Gaël Michel
- 2 janv. 2023
- 9 min de lecture

Pourquoi aborder cette émotion complexe ?
J’ai décidé de parler de la honte aujourd’hui dans cet article car cette émotion me paraît vraiment centrale dans la compréhension de ses propres mécanismes de repli sur soi, de difficulté à s’affirmer et à entrer en relation avec les autres. Traverser et accepter cette émotion complexe à été significatif et profondément libérateur dans mon cheminement personnel…
Fonction primitive de la honte:
Souvent la tendance naturelle que nous avons en tant qu’être humain est de vouloir nous débarrasser de la honte telle elle peut être inconfortable. Cependant elle est une des Émotions primitive et complexe essentielle et revêt d'importantes fonctions de préservation de l’intégrité du groupe. Elle nous aide à apprendre les limites des comportements socialement acceptables et à trouver la juste mesure de proximité et de distance dans le groupe. Elle nous permet de nous intégrer aux différentes modalités sociales indispensables à notre intégration dans “la tribu”.
Elle fera donc toujours partie de notre expérience vécue, elle doit être acceptée, comprise avec compassion, contextualisée, et intégrée comme un signal émotionnel important.
La honte entre symptômes et évitement:
La honte est polymorphe et revêt de nombreux symptômes physiologiques différents ce qui entraîne souvent des difficultés à la conscientiser. Elle peut aller de la sur activation sympathique qui nous mobilise pour fuir, nous échapper, et nous cacher dans une certaine mesure (besoin de bouger, rougissement, chaleur, augmentation du rythme cardiaque).
À la sous activation parasympathique qui nous immobilise pour se déconnecter des autres et “disparaître” (figement, fatigue, flaccidité, effondrement, repli, perte de contact visuel.) Avec la plupart du temps un passage rapide du premier au deuxième État.

En écrivant ces lignes, je me souviens très clairement d’un souvenir personnel ou plutôt d’une situation dans laquelle j’ai ressenti de la honte. Je ressens encore cette très forte activation cette chaleur qui monte dans ma tête, me sentir rougir avec le coeur battant à 200 et puis en même temps cette sensation que tout le focus est sur moi et que tout disparaît autour pour laisser place à une profonde solitude mêlée de gêne avec cette envie de me cacher et de disparaître puis le vide intérieur démontrant à quel point la situation pouvait être dangereuse pour mon système. Et cela, simplement parce que j’avais répondu à côté de la plaque à une question d’une professeur. “ Tout le monde ressent de la honte et chacun avec sa propre couleur et sensibilité. On sent ici clairement ce passage de la connexion à la déconnexion, de la relation au repli sur soi.
La honte est une des émotions primitive et complexe essentielle et revêt d'importantes fonctions de préservation de l’intégrité du groupe.
La honte a donc une fonction d’inhibiteur général d'intérêt et d’excitation. Elle bloque les émotions positives, la joie dans le contexte relationnel, mais elle bloque aussi des expériences que certaines parties de nous considèrent comme inacceptables pour les autres comme la colère, le besoin des autres ou les attirances ou pulsions sexuelles. Je me souviens tellement de fois ne pas avoir été en capacité de dire à quelqu’un que je ressentais de l’attirance pour lui, coincé, bloqué, entre la force de mon vécu, de mon ressenti, cette énergie qui me poussait vers l’autre, et la honte d’être vu dans cette intensité émotionnelle, d’être jugé, puis humilié. Comme un mur violent entre mon élan vital, cette force de vie, qui me traversait et que je voulais partager, et l'autre.
Car oui, une des fonctions de notre honte est d'éviter de ressentir nos blessures relationnelles telles que le rejet, l’abandon et l’humiliation. En ce sens, elle est indispensable pour notre survie psychique. Car la honte bien qu’elle soit une émotion qui nous appartient parle toujours de l’extérieur. Il y a dans la honte comme un fantasme, une pression, du passé, d’un regard extérieur impalpable qui nous enchaîne. On peut effleurer les deux polarités de la honte, son utilité, son importance, sa capacité à nous préserver hors de la souffrance et en même temps lorsque elle est chronique son caractère enfermant qui nous isole et nous retire du monde.
La Honte entre protection et isolement:
Souvent, la honte est une manifestation de parties de nous plus “adultes” qui ont honte de parties enfant plus "précoces" avec des besoins vitaux inacceptables pour l’adulte que nous sommes. Si ces parts plus adultes nous empêchent d'accéder aux parties plus précoces (inconscientes) cela ajoute une nouvelle couche de dissociation dans notre expérience. Nous éprouvons tous une forme de honte à l'égard de ce que nous percevons comme des aspects inacceptables de nous-mêmes. Quand nous ressentons de la honte qui n’est pas due "objectivement" à notre comportement inapproprié, cela bloque notre capacité d’être avec les autres. La honte qui se chronicise altère précisément la capacité de distinguer la menace de la sécurité dans les relations, aboutissant à un sentiment permanent d’insécurité de déconnexion et de défenses à la place de l’engagement social. Elle laisse seul face à la souffrance morale qu’elle inflige.
Les personnes en état de honte chronique peuvent se croire elles même fondamentalement mauvaises, dégoutantes ou méchantes, elles condamnent ce qu’elles font ou échouent à faire, mais aussi comment elles apparaissent physiquement (laides, trop grosses, disproportionnées, dimension souvent présente dans les troubles du comportement alimentaire), ce qu’elles éprouvent, et fondamentalement qui elles sont.
Enfant, nous apprenons ce qui est acceptable et valorisé ou non par nos parents et développons une conception de nous basée sur un soi que nous voulons que les autres voient, un bon soi qui sous entendrait l’existence d’un mauvais soi (inacceptable). Nous gardons intérieurement ce bon soi et ce mauvais soi dans notre construction pour le meilleur et pour le pire. Nous développons également un sentiment de honte pour ce qui est non reconnu en nous par nos parents et nos donneurs de soin. Ce qui implique que la non-reconnaissance ou désapprobation de nos parents face à certains besoins parties de nous entraînent automatiquement un sentiment intériorisé de honte pour ces dimensions de nous même. Cette “négligence voir violence” va se retrouver le plus souvent introjecté à l’intérieur de nous et nous allons nous retrouver à rejouer intérieurement les schémas du passé avec des parts imitant nos parents et d’autres toujours enfants avec des besoins jugé inacceptable et souvent dissocié du reste de notre conscience.
La honte génère souvent un conflit violent entre danger d'être vu et besoin profond d'être reconnu, entendu, et accepté.
Je peux donner en exemple mes propres parts "jugeantes" qui me disaient que mon corps était dégoûtant et qui manifestait une certaine forme de haine à l'égard de tout ce qui manifestait l’enfant rond et bien portant que j’étais. Cette part enfant, recroquevillée et terrifiée par les parts persécutrices, était isolé.Le sentiment de honte étaient portés à la fois par les parts jugeante (honte de l’existence de l’enfant bien portant peur qu’il soi vu par l’extérieur) que de l’enfant qui avait profondément honte de son corps et de ce qu’il était. Il m’a fallu du temps pour réussir à me sentir suffisamment en sécurité pour accepter la haine et le dégoût que je ressentais pour moi-même et accueillir ce petit gars et sont besoin d’être accepté et aimé tel qu’il était.

La honte et le traumatisme:
Souvent dans le cas de traumatismes d’abus, un sentiment profond de honte se développe, on se dit que l’on aurait dû s'échapper, on aurait dû se défendre, on aurait pas dû ressentir ce que l’on a ressenti. Mais malheureusement, dans la majorité des cas lors de ces événements traumatiques, nous étions coincés dans des réponses animales de défense (figement, combat, effondrement) par définition involontaires et étions en incapacité de réagir différemment. Pour l’avoir vécu, on peut mettre des semaines voir des mois à réussir à partager une expérience traumatique à un thérapeute ou une autre personne de confiance due à la honte. Mais on y arrive. Je me souviens avoir mis plus d’un an à réussir à partager une expérience qui revenait sans cesse dans ma tête à chaque séance. Je me disais toujours que ce n'était pas le bon moment, que c'était horrible, que si quelqu’un apprenait cela sur moi, ce serait insupportable, il me rejetterait violemment…
Lorsque la honte est chronique elle s'entrelace avec une phobie de l'expérience intérieure menant à un évitement systèmatique.
Et puis c’est en sentant l’acceptation, la compassion et le non-jugement de mon thérapeute que progressivement les parts défensives ont eut suffisamment de confiance et de sécurité relationnelle pour me laisser atteindre et partager mon expérience qui au fond n'était qu’un besoin de tendresse et d’amour bafoués. Ce fut difficile mais libérateur. Et aujourd’hui je me surprends souvent à en parler facilement au détour de certaines conversations. Accepter la honte, c'est s’en libérer, faire un premier pas vers de désarmement de nos mécanismes de défense et un deuxième pas pour embrasser sa vulnérabilité.
La boussole de la honte
Comme chacun de nous à des manières différentes de manifester sa honte mais surtout de l’éviter par des mécanismes particulier, j’ai à cœur de vous partager ici un outil qui m’a permis d’y voir plus clair et de reconnaitres tous les comportements de défense qui étaient associés à la honte.

Nous nous défendons contre la honte à l’aide de 4 stratégies fondamentales:
1.Nous attaquer à nous même comme mauvais incompétent ou inadéquat.
2.Attaquer les autres comme mauvais, incompétents ou inadéquats.
3.Éviter les expériences intérieures.
4.Eviter le contact avec les autres pour prévenir la survenue de sentiments de honte.
La honte et la thérapie un chemin de résilience:
Comme je l’ai dit plus haut, le sentiment de honte est totalement naturel en tant qu’être humain et nécessairement va se présenter en thérapie. Cette expérience est le plus souvent évitée, détournée, inconsciente et tout le travail de la thérapie va être, grâce à la sécurité relationnelle, la compréhension et la compassion, de la mettre en lumière et de l'accepter.
La honte est surmontée au fur et à mesure qu’elle est maintenue dans la compassion et la sécurité du lien relationnel. Nous avons besoin de ressentir l'accord, l’acceptation et la compassion pour les parties les plus sombres, les plus désavouées de nous-même. "L'être avec” est la clé. Et nos parties ont besoin de ressentir cet accord, cette acceptation et cette compassion depuis les adultes que nous sommes aujourd’hui "désidentifié" des barrières que nous avons édifiées jusqu’ici pour ne pas sentir et se protéger.
La honte est surmontée au fur et à mesure qu’elle est maintenue dans la compassion et la sécurité du lien relationnel.
Il est essentiel de se rappeler que nous sommes tous des êtres humains faillibles, sensibles et vulnérables. Accepter sa honte, c’est réussir à voir que nous sommes tous égaux face à cette émotion que tout le monde ressent et qu’elle est inconfortable pour tous. Que nous avons tous au fond de nous cette vulnérabilité et ces imperfections qui nous ont façonnés jusqu’alors et progressivement laisser aller l’image du bon soi idéal que nous avons construite. Réaliser à un certain niveau que ce n'est pas nécessairement vrai que nous allons être, banni, rejeté, exclues avec pour perspective une mort solitaire si nous laissons s'exprimer nos besoins, nos émotions, notre sensibilité et notre vulnérabilité et si nous laissons l'autre nous voir à cet endroit délicat. Qu'une autre réalité est que de laisser vivre et exprimer sa honte est une preuve de courage d'authenticité et de maturité.
Il est possible de s'ouvrir à la possibilité d'accepter et d'accueillir toutes ces choses qui se passent en nous et de laisser s'évaporer le moi idéal que l'on s'est construit pour laisser émerger l'être complexe sensible et beau que nous sommes.
Il est important ensuite de mettre du contexte sur nos différentes expériences et sources de honte. Voir que les pressions et attentes sociales (être mince, musclé, avoir de l’argent, avoir une vie parfaite sans aucun problème, être heureux, être fort...) mènent à la honte et ne sont en elle-même ni raisonnables ni réalistes à atteindre tout le temps. Réalisons que ce sont les pressions sociales et environnementales qui participent à notre honte et qu’il nous sera très difficile de les changer. Par contre nous pouvons agir sur notre vécu, et nos attitudes à l’égard de ces attentes.
Pouvoir accepter et exprimer sa honte et celle de l’autre va nous donner une grande liberté de ressentir, d'exprimer et d’agir.
La capacité de toucher l’autre et de lui tendre la main avec notre vulnérabilité tout en acceptant la sienne avec compassion va nous sortir de l’isolement et de la solitude créées par la honte vécue jusqu’alors. C’est faire l’expérience que nous sommes tous dans le même bateau et que l’on peut s’entraider et se guérir mutuellement par la compassion que l’on donne et que l’on reçoit. Car donner et recevoir ne sont que les deux faces d’une même pièce.
Enfin, lorsque nous sommes suffisamment avancés dans notre acceptation et intégration de notre honte, nous pourrons progressivement envisager d’en parler ouvertement avec des personnes de confiance de notre entourage. Pour amener de l’authenticité et de la sensibilité dans nos relations humaines du quotidien. Pouvoir accepter et exprimer sa honte et celle de l’autre va nous donner une grande liberté de ressentir, d'exprimer et d’agir.

La honte une voie pour la liberté:
Aujourd’hui, il m’arrive encore de ressentir de la honte pour ce que je ressens, ce que je fais ou ce que je suis, mais l’adulte en moi est capable d’accepter et d’accompagner cette émotion sans mécanismes de défense. Elle m’amène alors à ralentir prendre soin de moi et de mes parts vulnérables. Je me déconnecte moins de moi que les autres et je suis en capacité d’exprimer ma vulnérabilité sans fuir ni me renfermer. J’ai donc plus confiance en moi et en mes capacités d’engagement social. Et j’ai vraiment envie de célébrer cela pour terminer cet article !
Si tu es arrivé au bout de cet article bravo, et si tu as encore des difficultés dans ta vie avec ce sentiment de honte et que tu as besoin de le partager dans un cadre bienveillant compassion et sécurisé, je t'invite à prendre rendez-vous avec moi pour que l'on puisse travailler ensemble vers ta liberté.



Commentaires